"L'espoir naît de l'action
ChangeNow 2024
C'est un monde de femmes, c'est mon monde", chante Neneh Cherry. En cette journée internationale du travail, si les progrès réalisés par les femmes sont indéniables, une chose est sûre : le statut des femmes varie considérablement d'une région du monde à l'autre.
En Iran, les restrictions restent draconiennes. Il est interdit de chanter en public sans l'autorisation quasi inaccessible des autorités, de faire du vélo ou de s'approcher d'un conjoint, et les femmes iraniennes doivent porter le voile. Elles ne peuvent pas serrer la main d'un homme ni être seules avec lui. Leur droit au travail est toujours entravé par l'obligation d'obtenir l'autorisation de leur conjoint. L'accès à l'éducation reste très limité.
Elles sont à mille lieues des 14 pays (sur 195 officiellement reconnus) où, selon la Banque mondiale, l'égalité l'égalité juridique totale entre les sexes. La France, l'Allemagne et d'autres pays où l'éducation, l'emploi, l'indépendance et la liberté sont des droits inaliénables pour les femmes.
Mais même là, l'objectif n'est pas atteint. Écarts salariaux, plafonds de verre, violences... Ces inégalités ternissent encore ce "monde de femmes". Cette journée est l'occasion de faire le point sur le chemin parcouru et celui qu'il reste à parcourir pour parvenir à une réelle émancipation.
Les femmes cadres au travail : l'équation complexe de l'émancipation.
Les biais ont la vie dure. Hérités de nos histoires personnelles, de nos cultures ou des tendances sociétales, ces stéréotypes de genre imprègnent durablement les mentalités. C’est présent jusque dans le choix de nos mots et de notre grammaire qui conditionnent nos biais de genre, comme l’ont bien compris la société Unbias et mon collègue, Michael Martens. Leurs conséquences se répercutent sur le parcours professionnel des femmes.
Plus frileuses pour la majorité à négocier leur salaire, la plupart des femmes executive cultivent très souvent un perfectionnisme exacerbé, une impression tenace de devoir "cocher toutes les cases" pour se sentir légitimes. Être la compagne idéale, la mère accomplie, la femme qui mène une carrière en théorie épanouie... Un fardeau d'injonctions contradictoires pesant sur leurs épaule. Ca évolue avec beaucoup de prises de conscience qui passe parfois par de violentes réactions face à ce qui a été accepté, supporté durant des années, mais la route est encore longue.
Auprès de femmes cadres aux parcours remarquables, je constate ce paradoxe : un doute récurrent malgré des compétences de haut niveau et des parcours solides et des responsabilités décisionnelles. Pour les mères, l'équation se corse. Un défi que la fondatrice Emilie Friedli du programme "Mères en France, a elle-même expérimenté.
Si les mentalités évoluent juridiquement, les réflexions sociétales peinent à suivre. Tandis que certains hommes remettent en cause les vieux stéréotypes masculins, les institutions restent en retrait. Comment faire évoluer les mentalités des organisations qu’elles soient privées ou publiques pour intégrer la parentalité dans la gestion des carrières ? et spécialement lorsque ce sont les premiers enfants et en bas âges, dans la gestion des carrières. Je n’évoque même pas ici le cas des parents aidants-familiaux confrontés à des situations qui relèvent du parcours du combattant pour aider leurs enfants qui n’entrent pas dans les “cases” tout en essayant de gérer leurs carrières.
L'émancipation réelle se fait pas à pas, au prix d'une introspection constante par la déconstruction permanente des déterminismes culturels, seul moyen de parvenir à un monde pleinement égalitaire.
Carrières des femmes et parentalité : briser le plafond de verre
Prenons un couple "égalitaire" à Paris ou Berlin. Malgré des conditions apparemmenti idéales,la femme se retrouve souvent désavantagée. Plus on monte dans l'échelle des carrières, plus l'écart de rémunération est important : jusqu'à 24 % dans le secteur privé en France, 18 % en Allemagne où le travail à temps partiel pour les femmes est très répandu.
Une des explications ? Après l'accouchement, qui est un bouleversement physiologique et psychologique, de nombreuses femmes font une pause. Une pause qui coïncide avec le moment propice aux promotions, que les hommes sont plus enclins à prendre.
À l'arrivée de l'enfant - en France et en Allemagne, pas dans les pays nordiques, qui ont d'autres politiques plus progressistes - le père pourrait, en théorie, passer au second plan.Mais dans la pratique, il est plus difficile de franchir ce pas, de peur de freiner l'évolution de sa carrière face à des collègues qui n'ont pas de responsabilités familiales. Au final, le couple "égalitaire" optera finalement souvent pour la stratégie qui minimise la perte de revenus.
Cette démonstration implacable n'est pas une généralité, mais reflète une réalité : l'autocensure professionnelle fréquente des mères en raison de l'absence de mécanismes non discriminatoires. Les médias ont également la responsabilité de ne pas encourager les femmes à "apprendre à tout bien faire", mais de repenser collectivement l'équilibre durable entre vie familiale et vie professionnelle.
Nul ne peut "tout avoir" simultanément. Mais un rééquilibrage sur la durée est possible, si l'un porte la charge quand l'autre avance, et inversement. Briser ce plafond de verre nécessite d'inventer de nouveaux schémas, où la parentalité, masculine comme féminine, ne soit plus un frein mais une étape naturelle, pleinement intégrée que ça soit du côté des directions, des boards, ou des institutions.